Responsables : Jean-François LANDRIER (DR INRAE, UMR INSERM INRAE AMU C2VN)
Enjeux
Encourager la consommation de produits à base de fruits et légumes, frais ou transformés, issus de la production agricole régionale, représente un enjeu important pour les consommateurs et les producteurs. La qualité de ces produits, définie par une composition garantie en micronutriments et une faible teneur en résidus, doit cependant être confirmée par une évaluation rigoureuse de leur valeur nutritionnelle et de leur sécurité aux plans microbiologique et toxicologique. Le rôle de la SFR s’inscrit ainsi dans une démarche intégrée de Santé Publique en participant à la sensibilisation des citoyens à la qualité de leur alimentation et à la promotion d’aliments d’origine végétale sûrs, apportant des bénéfices micronutritionnels.
Contexte et objectifs
A la différence des micronutriments essentiels (vitamines, oligoéléments, certains caroténoïdes précurseurs de vitamine A) dont la valeur santé est reconnue (existence d’apports nutritionnels recommandés), le rôle des phytomicronutriments non essentiels de l’alimentation (polyphénols, la plupart des caroténoïdes…) sur la santé du consommateur demeure un objet de recherche.
De nombreux phytomicronutriments non essentiels sont reconnus comme des antioxydants importants, notamment pour leur capacité à protéger les lipides polyinsaturés de l’alimentation (acides gras de type oméga-3 et oméga-6) contre l’oxydation et ses conséquences : perte de lipides essentiels, flaveurs indésirables (odeur de rance), accumulation de composés potentiellement toxiques (hydroperoxydes, époxydes et aldéhydes lipidiques) capables d’altérer les protéines de l’alimentation (abaissement de leur digestibilité et de leur valeur nutritionnelle), voire même de participer au développement de désordres fonctionnels cellulaires (dysfonction endothéliale, athérogenèse etc.) par insertion dans les LDL.
Les phytomicronutriments non-essentiels sont également dotés d’autres activités biologiques (ex.: activité anti-inflammatoire, effet hypotenseur, inhibition de l’agrégation plaquettaire) par leur action sur des cibles cellulaires et moléculaires et peuvent ainsi participer à la prévention, voire au traitement, de pathologies chroniques liées au vieillissement et à la « malbouffe ». Ainsi, une meilleure connaissance de la biodisponibilité des phytomicronutriments non essentiels et de leurs effets sur la santé devrait permettre aux agro-industries de promouvoir leurs produits et aux consommateurs d’avoir accès à des aliments de plus forte densité nutritionnelle. La validation des effets des phytomicronutriments sur la santé et l’élucidation des mécanismes d’action qui les sous-tendent représentent donc un enjeu majeur de recherche.
L’objectif majeur de l’axe 4 de TERSYS est d’évaluer l’impact des stratégies d’augmentation des apports en phytomicronutriments (en lien avec les produits issus de la production agricole régionale) sur la physiologie d’un tissu, d’un organe ou d’un organisme. L’approche retenue inclut l’évaluation du devenir des phytomicronutriments dans le tractus digestif (libération de la matrice alimentaire, transformation, activité antioxydante), la modulation de leur biodisponibilité (en fonction de leur structure et de leur environnement), leur métabolisation dans l’organisme, leur impact sur la physiologie d’organes cibles et plus généralement sur la santé humaine. Cette approche intégrative est permise par la collaboration des laboratoires de la SFR, couplant des compétences en chimie des antioxydants (UMR IBMM et UMR SQPOV), en biologie moléculaire et cellulaire du tractus digestif et du système cardiovasculaire, en physiologie expérimentale et études cliniques (UMR NORT, LAPEC).
Méthodologie
Les nouveaux outils en cours d’acquisition dans le cadre du projet 3A seront mis à profit dans le développement des programmes collaboratifs.
En particulier, les compétences des chimistes en matière d’analyse chromatographique couplée à des spectromètres de masse performants seront mobilisées dans l’identification et la quantification des phytomicronutriments dans la matière végétale (extraits végétaux, compléments…), des composés néoformés dans l’aliment et des métabolites dans les tissus et les fluides biologiques. Il en va de même pour les marqueurs de stress oxydant (produits d’oxydation des lipides, protéines et ADN). Le nouvel appareil de résonance paramagnétique électronique (RPE) permettra l’étude du stress oxydant et des mécanismes antioxydants, y compris en milieu biologique complexe.
Par ailleurs, l’acquisition de nouveaux outils performants d’imagerie (VEVO 3100, VisualSonics, Vivid-I, GE) ainsi que d’un dispositif de laser speckle (Perimed) permettra une analyse fine et non vulnérante de l’impact de différentes stratégies nutraceutiques sur le fonctionnement du système cardiovasculaire en général et de la fonction endothéliale en particulier. Ces outils couplés au développement de l’animalerie et de la plateforme de physiologie expérimentale et humaine (projet 3A) autoriseront la conduite d’études pré-cliniques (rats, souris) et cliniques (accord-cadre avec le centre Hospitalier d’Avignon).
Résultats scientifiques & impacts attendus
– Clarifier le rôle des phytomicronutriments dans le tractus digestif: bioaccessibilité, transformations enzymatiques et non-enzymatiques, protection des lipides polyinsaturés et des protéines du bol alimentaire contre l’oxydation. Les collaborations en cours (UMR SQPOV – LAPEC) doivent permettre d’étayer la validation in vivo de ces phénomènes et de plaider pour le développement de tests antioxydants pertinents modélisant le tractus digestif.
– Etayer les mécanismes cellulaires des phytomicronutriments (après absorption intestinale) et de leurs métabolites en lien avec la prévention des maladies métaboliques
L’accès aux métabolites bioactifs des phytomicronutriments par voie chimique, voire, à l’avenir, par voie enzymatique ou en culture cellulaire, est incontestablement un atout pour progresser dans l’interprétation et la validation des mécanismes qui sous-tendent les effets sur la santé.
– Evaluer l’impact des phytomicronutriments sur la santé à différents niveaux du vivant, de la cellule (cellules intestinales, endothéliales, cardiomyocytes, adipocytes…) à l’organe isolé (artères, cœur, intestin), jusqu’aux effets in vivo dans des études pré-cliniques ou cliniques.
Valorisation des résultats
Des publications communes (LAPEC – UMR SQPOV, LAPEC – UMR IBMM, LAPEC – UMR NORT) sont en cours d’élaboration.
L’objectif est non seulement de pouvoir publier au plus haut niveau des domaines « Cardiac & Cardiovascular Systems », « Endocrinology & Metabolism » et « Nutrition & Dietetics », mais aussi de générer de l’innovation via la participation au dépôt de brevets et/ou d’allégations santé.
Exemples d’approches collaboratives en cours et prévues
– Collaboration UMR SQPOV – UMR NORT (thèse Tersys d’Aurélia Malapert) : impact de matrices à base d’oligo- et polysaccharides sur la biodisponibilité de phénols naturels (phénols de l’olive et du romarin).
– Collaboration UMR SQPOV – LAPEC (thèse de Gaëtan Boléa financée par la Fondation UAPV): évaluation de la capacité des polyphénols de la pomme à inhiber l’oxydation des lipides polyinsaturés au cours de la digestion. Ces travaux sont conduits en modèle in vitro (digesteur modélisant la dynamique de la digestion et les sécrétions dans le compartiment gastrique et l’intestin grêle). Ils vont se poursuivre sur un modèle animal (souris déficiente en Apolipoprotein E) afin d’évaluer l’impact de cette stratégie sur la préservation de la fonction endothéliale vasculaire et le développement du phénomène d’athérosclérose.
– Collaboration UMR Qualisud – LaPEC (projet Innoraisin financé par le CASDAR)
Etude clinique de l’impact vasculaire d’un repas unique riche en matière grasse, couplé ou non à une supplémentation en raisins traités ou non avec des UV C afin de les enrichir en polyphénols. Dans une étude préliminaire (6 sujets), il a été montré que la supplémentation en raisin permet de limiter l’impact de ce type de repas sur la fonction endothéliale vasculaire. Des analyses métabolomiques (raisin et urine des sujets avant et après les 3 traitements) viendront compléter ces premiers résultats.
– Collaboration LAPEC – UMR NORT – UMR SQPOV (thèse de Julien Peyrol financée par la Région PACA)
De nombreuses études ont déjà démontré les effets protecteurs des polyphénols (et autres micronutriments non essentiels) sur certains organes cibles. Néanmoins, l’identification des métabolites à l’origine de ces effets bénéfiques fait souvent défaut. Or, de l’aliment aux tissus cibles, les polyphénols subissent de nombreuses modifications: oxydation possible dans le tractus digestif, catabolisme par le microbiote du côlon, conjugaison dans les cellules intestinales et hépatiques. Il apparaît dès lors essentiel de pouvoir déterminer quelles sont les molécules effectivement délivrées aux tissus et quelles peuvent être leur concentration et activité au niveau de ces tissus.
La thèse en cours porte sur l’étude du mode d’action de l’hydroxytyrosol (principal phénol bioactif de l’huile d’olive) et de ses O-arylglucuronides (principaux métabolites humains) sur la fonction vasculaire dans un contexte de diabète de type II.
– Collaboration LAPEC – UMR IBMM (financement par TERSYS)
L’objectif est d’améliorer la biodisponibilité de composés phénoliques naturels en les rendant plus lipophiles. Les effets biologiques des lipophénols (élaborés chimiquement par l’UMR IBMM) sur des artères isolées placées en conditions pro-oxydantes (hyperglycémie, traitement par l’hydroperoxyde de t-butyle) sont en cours d’étude.
Partenaires
LAPEC, UMR SQPOV, UMR NORT, UMR IBMM
Mots-clés
Antioxydants, caroténoïdes, composés phénoliques, maladies cardiovasculaires, maladies métaboliques, métabolomiques, phytomicronutriments