Axe 2 : Impact des facteurs environnementaux, au sens large, en relation avec les facteurs génétiques, sur la qualité des produits frais

Responsable : Nadia BERTIN (DR INRAE, UR INRAE PSH)

Contexte général

Les productions de fruits et légumes (FetL) sont fortement identitaires en région PACA. La filière FetL frais est actuellement menacée en raison de la forte concurrence qu’elle subit de la part des produits importés, et aussi d’une baisse générale de la consommation que les campagnes en faveur des FetL n’ont pas réussi à enrayer. Or il existe une demande réelle pour des produits plus sains, plus goûteux, plus « naturels », c’est-à-dire obtenus à travers des pratiques plus respectueuses de l’environnement et de la qualité originelle des produits. Parallèlement aux FetL on voit se développer de nouvelles filières (plantes à parfums, plantes d’intérêt pour l’industrie cosmétique, plantes tinctoriales…) qui, elles aussi, cherchent à répondre aux attentes des consommateurs pour des produits de qualité, plus naturels.
On peut faire le pari raisonnable qu’une production qui saurait se démarquer sur le plan de la qualité (en termes de concentrations en composés d’intérêt, sanitaire, environnementale), saura assurer son avenir, voire se développer, malgré les défis que représentent le changement global et la concurrence de pays producteurs à faible coût de main d’œuvre.

Contexte scientifique

Il existe d’assez nombreuses références agronomiques concernant les effets des facteurs environnementaux et des pratiques culturales sur les concentrations en micronutriments (vitamines, métabolites secondaires) des fruits et légumes (Gonord et al. 2010). Par ailleurs, l’état des connaissances progresse rapidement sur les effets des facteurs environnementaux et génétiques sur la construction de la qualité globale des produits frais, et en particulier sur l’accumulation de composés liés à la qualité gustative (sucres, acides, arômes), l’évolution de la texture, ou les voies de biosynthèse des composés secondaires participant à la qualité nutritionnelle. En particulier, les effets de la nutrition carbonée, des stress hydrique et thermique et des rayonnements ultraviolets sont de mieux en mieux compris. En parallèle l’analyse de la variabilité génétique dans des environnements contrastés nous permet d’appréhender les interactions génotypes x environnement de manière plus intégrée et de cibler à différentes échelles les processus impliqués dans l’adaptation des plantes aux stress environnementaux. Cet état des connaissances est actuellement assez bien synthétisé dans certains modèles de simulation de la qualité des fruits, sachant qu’on sait aussi de mieux en mieux relier les critères de qualité aux attentes des consommateurs (études du Ctifl ou en provenance de projets de recherche comme QualitomFil). De manière générale, les raisonnements élaborés autour des FeL s’appliquent également aux autres plantes dont nous convoitons les métabolites secondaires (plantes aromatiques et à parfums, plantes d’intérêt pour les industries cosmétique, nutraceutique et pharmaceutique, plantes tinctoriales, vigne à vin).
Pour aller plus loin, il faut maintenant réussir à identifier les étapes-clés qui peuvent être influencées par les facteurs environnementaux et les pratiques culturales chez les plantes d’intérêt agronomique, quantifier les effets des facteurs environnementaux et des interactions génotype x environnement dans des gammes de variations réalistes, identifier des ressources génétiques potentiellement intéressantes, prendre en compte les interactions entre facteurs biotiques et abiotiques, entre processus et entre organes, développer des modèles du métabolisme secondaire lié à la valeur santé et élargir les domaines de validité des modèles existants. Ce dernier point est particulièrement important car presque tous les stress conduisent à du stress photooxydatif, c’est-à-dire la production d’espèces réactives de l’oxygène par la machinerie photosynthétique dans les feuilles, et il a été montré que le stress photooxydatif pouvait stimuler le métabolisme secondaire dans les organes proches. Par ailleurs, les connaissances actuelles reposent beaucoup sur l’étude de systèmes de production intensifs. En revanche, il y a actuellement un défaut de références sur la qualité et le rendement des systèmes moins consommateurs d’intrants et plus respectueux de l’environnement, comme l’Agriculture Biologique.

Enjeux

Sur le plan scientifique, l’enjeu est notamment un objectif de biologie intégrative visant la construction d’une vision intégrée, quantifiée et dynamique, de la parcelle jusqu’à l’usine (produits transformés ou extraits) ou à l’assiette (produits frais ou conservés), voire au-delà, des effets des facteurs environnementaux (biotiques et abiotiques), des facteurs internes (état hydrique, stade de maturité…), des facteurs génétiques et de leurs interactions sur le fonctionnement de la plante et la qualité. Cet enjeu concerne aussi bien les agronomes, les spécialistes de la post-récolte que les généticiens et les pathologistes. Par ailleurs, proposer des produits végétaux attrayants, renforcés en micronutriments, issus de modes de production respectueux de l’environnement, permettant aux producteurs, en particulier ceux de la région PACA, de se démarquer vis-à-vis d’une concurrence exacerbée et pas toujours loyale, représente un enjeu important, respectivement vis-à-vis des consommateurs, de la demande citoyenne et des producteurs.

Objectifs

Le premier objectif de cet axe est d’étudier les effets des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux, et donc des pratiques réputées respectueuses de l’environnement, sur la qualité des produits végétaux dans une perspective d’évaluation/valorisation de pratiques existantes et de terroirs, mais aussi d’élaboration de recommandations innovantes en matière de pratiques culturales et de circuits post-récolte. L’objectif spécifique des généticiens et des écophysiologistes est de définir des idéotypes, en l’occurrence des génotypes adaptés aux contraintes environnementales et optimisés sur les critères de qualité retenus, et d’identifier les gènes/QTL/marqueurs mobilisables pour la sélection.

Originalités et plus value de TERSYS

L’approche retenue dans le cadre du projet de TERSYS est originale d’abord parce qu’elle est intégrée. Ainsi, elle vise l’étude des interactions génotype x environnement. Dans le même ordre d’idées, elle prône une approche de la parcelle jusqu’à l’usine ou à l’assiette, et même au-delà si l’on considère qu’on propose d’aller jusqu’à la validation des effets biologiques de concentrations renforcées en micronutriments ou réduites en résidus (liens avec les axes 2b et 3). Enfin, nous proposons d’aller beaucoup plus loin que les approches agronomiques classiques en proposant de développer une véritable connaissance physiologique des mécanismes par lesquels les facteurs environnementaux impactent les processus conduisant à l’élaboration de la qualité, notamment la qualité micronutritionnelle des plantes modèles retenues.
TERSYS propose de renforcer un potentiel de recherche, peut-être unique au monde, sur l’effet des facteurs environnementaux sur le métabolisme secondaire, les systèmes antioxydants et, pour les fruits et légumes, la « valeur-santé » des produits. Plus spécifiquement TERSYS propose de réaliser une intégration unique des études de physiologie végétale et de physiologie humaine : on testera si le renforcement de FetL en phytomicronutriments impactent effectivement et de façon positive le fonctionnement biologique de l’animal et de l’homme.
L’axe 2 exploitera les outils acquis dans le cadre des plateformes pour étudier l’effet des terroirs, des systèmes de production, des techniques de production et des génotypes sur les concentrations en phytomicronutriments des produits végétaux frais.

Valorisation

La valorisation des résultats passera évidemment par des publications scientifiques, mais aussi l’organisation de colloques internationaux sur l’effet des pratiques culturales sur la qualité et la construction avec nos partenaires de fiches de cultures à destination des producteurs. Mais surtout, nous envisageons de contribuer avec le CTIFL, le GRAB, les producteurs… à l’élaboration de cahiers des charges dans le cadre de démarches de labellisation, fondés sur les résultats de recherche.

Résultats attendus aux niveaux scientifique et appliqué
1.    une identification des étapes-clés des voies de synthèse et de dégradation ou de recyclage des métabolites secondaires (flavonoïdes, caroténoïdes) et des vitamines (ascorbate), affectées par les facteurs de l’environnement, en fonction des stades de développement ;
2.    une quantification des effets des facteurs environnementaux tenant compte des interactions avec les facteurs génétiques et épigénétiques sur des critères majeurs de la qualité ;
3.    des modèles mathématiques intégratifs de l’élaboration de la qualité d’un certain nombre de fruits et légumes, fondés sur les résultats obtenus aux étapes 1 et 2, interfaçables avec les modèles évoqués pour l’axe 1 ;
4.    des recommandations en matières de pratiques culturales, éventuellement fondées sur les travaux de modélisation évoqués en 3, adaptées au variétés et aux territoires, permettant de produire des produits de meilleure qualité. Nous chercherons en particulier à valoriser les pratiques les plus respectueuses de l’environnement, notamment les plus économes en eau (lien avec l’axe 1) ;
5.    de nouvelles variétés adaptées aux contraintes locales et aux cahiers des charges, exploitant les modèles génétique x environnement (étape 3).

Impacts espérés

–    une contribution à une meilleure santé des consommateurs ;
–    une contribution à la mutation « écologique » de la production de FetL, en particulier en région PACA ;
–    une contribution à la redynamisation de la filière FetL, en particulier dans la région PACA, éventuellement fondée sur des signes de qualité ;
–    une contribution à l’émergence ou au renforcement de filières dans les domaines des arômes et des parfums, des colorants, de la nutraceutique, de la cosmétique et de la pharmaceutique.

Mots-clés
environnement, fruits et légumes, génome, métabolites primaires et qualité organoleptique, métabolites secondaires, métabolomique, pathologie végétale, plantes tinctoriales, plantes aromatiques et à parfums, plantes d’intérêt pour les industries pharmaceutiques, cosmétiques et nutraceutiques, stress oxydant, valeur-santé des produits végétaux

Partenaires
UMR Qualisud – laboratoire de physiologie des fruits et légumes (UAPV), UR PSH, UR Pathologie végétale, UR Génétique et Amélioration des Fruits et Légumes, UR ECODEV
Hors SFR : Ctifl, GRAB, pôle TERRALIA…